Gérald Cheong Hak Ming « Attention à d’éventuels “mauriprimes” dans la construction »

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Gerald-Cheong-Hak-MingGérald Cheong Hak Ming, installé en Suisse depuis plus de vingt-cinq ans, où il est directeur d’une multinationale, estime qu’il faut s’interroger sur la fiabilité des investissements dans l’immobilier à Maurice, notamment à propos des projets Integrated Resort Scheme (IRS) et Real Estate Scheme (RES).

Avec le Dodd-Frank Act Barack Obama tente de réguler le fonctionnement des banques. Est-ce ramener à la raison les too big to fail ?

Too big to fail ? L’histoire nous a démontré que ce n’est jamais le cas : l’empire ottoman, l’empire romain, Lehman Brothers… Pour situer le Dodd-Frank Act, il faut comprendre la mentalité américaine. You have an issue. You have to address it. Après les scandales Enron, Tyco, Worldcom, il y a eu le Sarbanes-Oxley Act de 2002. On se trouve maintenant avec le Dodd-Frank Act pour répondre au scandale des subprimes. Aux Etats-Unis, le Président has to act. Est-ce que Barack Obama s’engage sur une voie dangereuse ? Il avait le choix : laisser faire ou agir.

Est-ce que cette loi mettra réellement fin aux jeux de spéculation qu’affectionnent les grossses firmes financières ?

La spéculation, c’est la base même de la société américaine, de l’American Dream, devenir riche et très vite… Après la période des Golden Boys, on en est à l’ère des Rotten Boys. Cette loi va peut-être contrôler les excès, mais ne changera en rien les jeux de spéculation.

Cette loi oblige les banques à vérifier la capacité de l’emprunteur à rembourser. Maurice pourrait s’en inspirer ?

En Suisse, pour tout achat immobilier, la banque estime la valeur du bien, en fonction de critères spécifiques et on doit avoir au minimum entre 20-25% de fonds propres. Sinon, les banques n’accorderont pas de prêt. Par ailleurs, on n’obtiendra jamais un prêt auprès d’une banque suisse si on doit consacrer plus de 35% de son revenu mensuel pour financer une dette hypothécaire.

Lors de la crise des subprimes, Maurice a pu s’en sortir sans dégât…

La crise des subprimes a été une crise bancaire aux Etats-Unis avec des effets en Europe. Les banques à Maurice ont été prudentes et il est heureux qu’elles n’aient pas investi dans des Junk Bonds qui se caractérisent par un risque très élevé pour une rentabilité débridée. Mais alors que les travaux d’infrastructures sont nécessaires pour le développement du pays, on peut se demander si les constructions à tout va ne risquent pas de mener à un point de saturation, où ces investissements risquent d’aboutir à des pertes sèches. Comme, par exemple, pour les Integrated Resort Schemes ou les Real Estate Schemes (RES). Il serait intéressant de voir si ces projets sont réellement profitables à ceux qui y ont mis leurs économies ou, pire encore, qui se sont engagés dans des emprunts hypothécaires. Il faut donc faire attention à d’éventuels “mauriprimes”, avec trop de constructions qui ne trouvent pas preneurs et à ses effets en cascade…

Source : L’Express du 01/08/2010
Propos recueillis par Iqbal Kalla