Interview Philippe Esp-Noel, CEO de Rogers "Le développement du projet de Bel Ombre s’inscrit dans une stratégie sur 10 ans"

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Rogers et ses partenaires ont déjà investi Rs 8 milliards dans le projet IRS/ hôtels/golf de Bel Ombre. Le CEO du groupe milite pour la création d’une compagnie maritime régionale et le développement du port.

Quel bilan faites-vous pour l’année 2009 ?
Dans le contexte actuel, l’année 2009 aura été une bonne année.
Nous avons comme tout le monde été surpris par l’envergure des enjeux. Les conditions d’opération ont été difficiles mais nous avons maintenu tous nos engagements et nos axes de dèveloppement, Nous sommes satisfaits d’achever la deuxième année de notre plan straté­gique de trois ans (octobre 2007 à septembre 2010) en ayant accom­pli la totalité de ce que nous souhaitions. Concernant les chiffres, si on regarde l’exercice 2007-2008, il y’a un résultat exceptionnel impor­tant à savoir la cession de deux de nos hôtels pour un montant de plus d’un milliard de roupies, Rs 120 millions d’exceptionnels sur le domaine de Bel Ombre et Rs 50 millions d’éléments divers. Hors exceptionnels et en enlevant l’impact du Telfair, acquis en cours d’an­née, nous terminons 2008-2009 avec Rs 633 millions de bénéfices après impôts contre Rs 890 millions l’année précédente. Nous avons donc réussi à garder une performance louable pour la majorité de nos opérations. Ce qui donne Rs 652 millions en net. Le bénéfice par action hors exceptionnel de Rogers affiche une baisse de 29 % et l’ac­tif net par action, lui, a augmenté en passant de 354 à 371 roupies.

Sur quoi travaillez-vous plus particulièrement cette année ?
Nous concentrons nos forces sur le développement d’un nouvel espace de vie dans la zone de Bel Ombre. Le développement de ce nouvel espace de vie à Bel Ombre aura nécessité un financement de 8 milliards de roupies d’investissements entre 2004 et 2010. Ce qui représente le plus gros investissement individuel du secteur privé de ces dix dernières années. Nous ne sommes pas simplement en train de construire un hôtel de plus ou quelques maisons. Avec nos partenaires, nous sommes en train de développer toute une zone du pays. Nous avons pris l’engagement de créer une panoplie de services et d’activi­tés économiques avec des retombées d’envergure pour la région. Malgré la crise nous avons maintenu la totalité de notre programme d’investissement. Nous dévoilons graduellement les atouts de ce lieu unique qui réunit les conditions de l’hôtellerie traditionnelle avec une offre nature en complémentarité. Toute la panoplie de services sera révélée à partir d’octobre 2010 aux Mauriciens ainsi qu’aux visiteurs. Nous sommes convaincus du fort potentiel de la région et du succès de nos initiatives. Ce développement planifié s’inscrit dans la stratégie du groupe sur une période de cinq à dix ans.


Comment se porte le secteur hôtelier du groupe ?

Sur le pôle hôtelier nous sommes passés de 252 millions de roupies de bénéfices à 97 millions de roupies de pertes. Ce résultat négatif s’ ex­plique essentiellement par les mauvaises performances des hôtels Heritage. Car nous nous réjouissons par ailleurs de la bonne perfor­mance de nos quatre hôtels trois-étoiles qui font mieux en 2008-2009 que lors de l’exercice précédent. Nous voyons au niveau de l’hôtellerie chez nous comme ailleurs une tendance assez contrastée. Les trois et quatre-étoiles tirent bien leur épingle du jeu alors que le très haut de gamme est encore en attente de la reprise mondiale. L’île Maurice se positionne avec des produits de qualité dans toutes les catégories. Mais sur le haut de gamme, nous souffrons temporairement et ce, d’autant plus que Maurice a connu une forte croissance de capacité dans le segment des hôtels cinq-étoiles. Dans le très haut de gamme, il y a eu un effet de ciseau avec le développement des capacités qui est intervenu dans un contexte international défavorable.

Quel a été l’impact des changes ?
Les résultats de l’année ont clairement été aidés par une roupie compétitive et la baisse des taux. Mais nous avons souffert du recul de la livre sterling dans le haut de gamme qui intéresse plus particulière­ment le marché anglais. L’appréciation de la roupie depuis le mois de septembre va nous affecter et si la roupie continue à rester soutenue face aux grandes monnaies, cet impact risque de se révéler non négligeable.

Que s’est il passé sur l’aérien ?

Sur le plan local, le trafic aérien est resté tendu. Mais les offres pro­motionnelles ont contribué à soutenir le marché. Sur l’année nous avons enregistré une baisse de l’ordre de 15 % pour le marché domes­tique. Malgré cela, sur le régional, les chiffres restent positifs. Sur le plan mondial, c’est la morosité qui l’emporte puisqu’on s’attend à une baisse de 7 % sur le marché du voyage et des pertes de 11 milliards de dollars pour l’ensemble des lignes aériennes. Tous les intermédiaires sont par conséquent sous pression. Pour notre part nous avons mis en place une équipe performante et très efficace, ce qui nous a permis d’augmenter nos résultats du pôle Travel and Aviation grâce à des gains de parts de marché et de productivité.

Pourquoi avoir regroupé la logistique et le « shipping » ?
Nous avions la volonté de consolider nos positions dans des entre­prises où nous étions minoritaires ou avec des partenaires. Il fallait en outre rassembler nos compétences. Nous avons fina1isé cette restruc­turation avec le lancement d’une nouvelle marque Velogic. Il s’agit là d’un développement qui s’insère dans la durée. Car pour l’instant les conditions d’opération restent difficiles. Le trafic mondial et régional a baissé. Or Rogers est positionné à Madagascar, au Mozambique, en Inde et en France. A Maurice, le transbordement a baissé de 40 %. Toutefois on assiste au niveau international, à une amélioration en termes de volume et de tarifs surtout sur le maritime qui repart plus rapidement que l’aérien.

Etes-vous partisan de la création d’une compagnie maritime régionale ?
Oui. Ce serait intéressant pour Maurice qui est déjà une plaque tournante pour la zone, il faudrait associer des acteurs mauriciens à des professionnels internationaux. Déjà pour le port, nous avons besoin de trouver un partenaire stratégique pour un développement soutenu. Pour réussir face aux opérateurs internationaux, il est important de fédérer et d’unir les compétences locales autour d’une vision com­mune pour le pays.

Comment s’est comporté votre fonds immobilier ?

Introduit à la Bourse en décembre 2008, le fonds immobilier Ascencia a connu une bonne année. Ce fonds, détenu par une cen­taine d’actionnaires, représente 1,4 miliard de roupies. Les recettes ont atteint 138 millions de roupies et les bénéfices après impôts 128 millions de roupies dont 85 millions de roupies de gains sur la ré-éva­luation. Le rendement atteint 7,6 % pour cette première année pour un objectif de 8 % à moyen terme. Pour l’instant, le fonds va se focaliser sur le parc immobilier existant. Toutefois 20 % de sa valeur pourraient être consacrés à de nouveaux développements.

Propos recueillis par Pierrick Pédel
Source : L’Express du Mercredi 13 Janvier 2010