Quand Port-Louis est prise d’assaut...

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Une vue d’ensemble de la capitale. Celle-ci est appelée à se développer davantage avec le projet de nouvelle ville à Les Sallines et le "Business Park" à Riche Terre

DES promoteurs indiens annoncent la création de Neotown, une nouvelle ville à Les Salines. En fait, l’ambition des investisseurs est de faire de Port-Louis, « la capitale de l’océan Indien ». Un voeu qui
semble disproportionné, tant les 6,3 km2 de la capitale semblent déjà surchargés...
En fait, rien n’entache l’enthousiasme des investisseurs.
Pas même le calvaire de la congestion quotidienne à l’entrée et à la sortie de Port-Louis - en 2008 déjà,
67 000 véhicules transitaient par la capitale entre 7 heures et 17 heures - et qui coûte à l’Etat quelque Rs 2 millions par an... Le projet de nouvelle ville à Les Salines comprend hôtels, casinos, bureaux, complexes
commerciaux, appartements et une marina, entre autres. port-louis-capitale
Par ailleurs, dans la périphérie de la capitale, le Riche-Terre Business Park (actuellement en construction) et le projet Jinfei - qui emploiera quelque 30 000 personnes - auront une incidence certaine sur le flot de véhicules, rendant la situation éventuellement intenable. « Pour tout développement de cette ampleur, il faut qu’il y ait une infrastructure qui l’accompagne, sinon ça ne marchera pas », commente Rishi Dass Soniassy, urbaniste. Or, les projets routiers tardent à se concrétiser. La situation est déjà « désespérée » à Port-Louis, selon lui. Car « des mesures qui auraient dû être prises depuis longtemps ne l’ont pas été ». Cela s’explique notamment par le fait que les autorités concernées « ne sont pas convaincues de la nécessité de l’urbanisme ». Rishi Dass Soniassy explique que l’urbanisme est une technique de construction et d’aménagement qui privilégie une « utilisation optimale de ce qu’on dispose comme espace urbain ». L’appliquer implique le respect de certaines normes, telles que la distance à laisser pour les constructions près de la voie urbaine, le développement de parking souterrain pour toute construction, ou encore l’aménagement de toilettes publiques dans les endroits très fréquentés. « A Port-Louis, non seulement il y a peu de toilettes publiques, mais regardez leur état…. Penser à tout cela fait partie de l’urbanisme. »
La non-reconnaissance de ce métier, pourtant essentiel, à Maurice a eu pour conséquence que de nombreux professionnels se sont reconvertis dans d’autres domaines, estime notre interlocuteur. Mais, lui, est resté urbaniste, parce que, précise-t-il, « j’ai plusieurs cordes à mon arc », comme le business management ou l’arpentage. Pour notre interlocuteur, Black Rock est un lieu où le concept d’urbanisme a été correctement
appliqué. Et la première ville à avoir utilisé cette notion à bon escient est Curepipe.
« Mais depuis, la situation s’est détériorée. » Pour autant, faudrait-il stopper net l’essor de Port- Louis pour que la capitale puisse retrouver un semblant d’harmonie ? Le lord-maire, Sheikh Mukhtar Hossenbocus,
estime que « plus il y a de développement, mieux c’est pour Port-Louis. Get sa Caudan la, se enn bote. Il faut ce genre de choses pour attirer les touristes ». Les embouteillages seraient aussi inévitables.
« Il est normal qu’avec le progrès et une demande accrue de productivité, une capitale soit mise à rude épreuve. » Concernant la circulation, il rappelle que les permis de construction sont refusés aux promoteurs dont les bâtiments ne prévoient pas de parking. En outre, il trouve essentiel d’introduire le shift
system pour les employés de la capitale. « Les heures de travail de certains devraient être décalées
d’une heure pour éviter que la capitale soit prise d’assaut ».
Avis que partage Rishi Dass Soniassy. « On ne doit jamais stopper le développement, mais il faut qu’il soit planifié. Autrement, le développement se fera de façon anarchique, avec la création de bidonvilles, plutôt que l’extension de la ville. »

Corinne Minerve
L’Express Mardi 06 Avril 2010