Les mirages IRS/RES

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EN 2003, le gouvernement, via le « Board of Investment » ( BOI) lançait l’ « Integrated Resort Scheme » , ( IRS) qui permet aux investisseurs étrangers d’acheter des villas de luxe à au moins 500 000 dollars américains pièce. L’IRS sera suivi, en 2008, d’un « Real Estate Scheme » ( RES), destiné à des projets plus modestes. Les grands groupes comme Médine, ENL ou Mon Loisir vont sauter sur l’occasion pour optimiser la rentabilité d’une partie de leur patrimoine foncier.

Certains groupes hôteliers vont également se montrer intéressés. Enfin, certains promoteurs privés vont aussi vouloir prendre une part du gâteau. Cinq ans après, force est de constater que les espoirs ont été sérieusement douchés. Selon les demandes de projets reçues, le BOI tablait sur la vente de quelque 4 000 villas IRS et RES. Pour Gilbert Espitalier Noël, le « Chief Executive Officer » d’ « ENL Property » , le nombre total d’unités IRS construites à Maurice à la fin de 2012 ne devrait pas dépasser 625. Sur la vingtaine de projets IRS annoncés, il ne reste qu’une poignée de développements avancés. Pour ce qui est du RES, trois projets seulement ont été finalisés, sur les 53 approuvés par le gouvernement. Et 14 d’entre eux en sont encore au stade des travaux.

Sur les 32 villas RES déjà construites, 29 ont été vendues. Sur les 470 villas encore en chantier, seules 87 unités ont trouvé preneur. Finalement, les promoteurs n’ont réussi à vendre que 6 % des 2014 villas, dont la construction avait reçu l’aval du gouvernement. Que s’est- il passé ? Bien sûr, la crise mondiale est passée par là. Du fait de la récession, la demande pour les villas de luxe s’est tarie un peu partout dans le monde. Et sans réservations, nombre de projets ont dû être retardés, sinon arrêtés.

« Beachcomber » l’a bien ressenti dans son projet « Royal Palm Marrakech » au Maroc. La crise a également provoqué la faillite de certaines banques, qui s’étaient proposées de financer des développements IRS à Maurice. Du coup, certains projets se sont purement et simplement effondrés et d’autres sont en train de réduire la voilure. Car, parallèlement, les banques ont durci leurs conditions pour fournir aux promoteurs leur garantie future d’achèvement. En effet, les établissements de crédit prennent un risque important en s’engageant à terminer les travaux, au cas où le promoteur ferait défaut. Les banques ont donc relevé les critères pour ce qui est de la solidité financière des actionnaires et des promoteurs des projets IRS et RES. Pour certains professionnels, le gouvernement et les promoteurs ont été trop optimistes et trop gourmands. Aucun marketing commun n’a été mis en place pour les IRS et les RES et chacun a travaillé dans son coin. Les contraintes légales ont été dissuasives et, au final le coût des villas s’est révélé trop élevé pour un marché étroit frappé par la crise. Il semble aussi que les RES plus abordables aient quelque peu « cannibalisé » les IRS. Enfin, il apparaît qu’il y a une déception au niveau social et environnemental. Une déception illustrée par la fronde actuelle des pêcheurs de Rivière-Noire contre le projet IRS « La Balise Marina » .

Pierrick Pédel
L’express du Mercredi 01 Juin 2011